vendredi 11 février 2011

Variations sur la baisse des piges


Dans un arrêt du 16 septembre 2009, la Cour de cassation a jugé que l'employeur d'un journaliste ou assimilé payé à la pige ne "pouvait unilatéralement modifier le montant de sa rémunération en ne lui fournissant plus la même quantité de travail".

Quelques jours plus tard, par un arrêt du 29 septembre 2009, elle a également jugé "que si l'employeur d'un journaliste pigiste employé comme collaborateur régulier est tenu de lui fournir régulièrement du travail sauf à engager la procédure de licenciement, il n'est pas tenu de lui fournir un volume de travail constant" (cf. autre publication sur ce point)

La mise en oeuvre, par les juridictions du fond, de ces règles a priori difficilement conciliables apparaissait délicate tant l'espace entre le droit, pour l'employeur, de ne pas fournir au pigiste régulier un "volume de travail constant" et son obligation de lui maintenir "la même quantité de travail" apparaît réduit.

C'est l'exercice auquel s'est livrée, la Cour d'appel de Paris qui a eu l'occasion, ces derniers mois, de s'interroger sur la possibilité, pour un employeur, de baisser unilatéralement le volume des piges confiées à un journaliste ou assimilé.

Dans un arrêt en date du 12 mars 2010, la Cour d'appel de Paris (Pôle 6 - Chambre 11) examinait le cas d'un photographe reporter, employé et payé à la pige depuis de nombreuses années par une société de presse, qui se plaignait d'une baisse importante du montant de ses piges à partir de l'année 2001.

Les montants annuels des piges versées à ce journaliste avaient été les suivants :

en 1994 : 12 246 euros
en 1995 : 41 165 euros
en 1996 : 29 109 euros
en 1997 : 31 600 euros
en 1998 : 27 699 euros
en 1999 : 38 523 euros
en 2000 : 35 191 euros
en 2001 : 17 731 euros
en 2002 : 14 846 euros
en 2003 :11 855 euros
en 2004 : 18 630 euros
en 2005 :16 397 euros
en 2006 : 15 980 euros
en 2007 : 3 205 euros
en 2008 : 732 euros
en 2009 : 0 euro

Le pigiste soutenait que son employeur avait, en passant sa rémunération annuelle de 35 191 euros en 2002 à 17 731 euros en 2001, modifié son contrat de travail et que la rupture du contrat de travail lui était donc imputable.

Après avoir été débouté de toutes ses demandes par le Conseil de prud'hommes, ce salarié avait saisi la Cour d'appel de Paris.

La Cour d'appel de Paris rappelle que "si en principe une entreprise de presse n'a pas l'obligation de procurer du travail au journaliste pigiste occasionnel, il n'en va pas de même si, en lui fournissant régulièrement du travail pendant une longue période, elle en a fait un collaborateur régulier, même rémunéré à la pige, auquel elle est tenue de donner régulièrement du travail sauf à engager la procédure de licenciement".

Elle estime cependant que cette même entreprise de presse "n'a aucune obligation de fournir un volume de travail constant" au pigiste régulier. Par un arrêt du 15 février 2012, la Cour de cassation a confirmé cette analyse (cf. ci-dessous, le commentaire en date du 7 mars 2012).

Ici, selon la Cour d'appel de Paris, l'entreprise de presse ne pouvait donc pas "être contrainte", en 2001, de régler des piges pour un montant équivalent à celui qu'elle avait été versé les années précédentes.

Cette position rejoint celle arrêtée par la Cour de cassation dans sa décision du 29 septembre 2009, selon laquelle si l'employeur doit maintenir au pigiste régulier une collaboration régulière il n'a pas pour autant à lui garantir une rémunération constante.

La diminution de 49 % de la rémunération versée à ce salarié entre 2000 et 2001 n'est donc pas jugée fautive.

En revanche, la Cour d'appel de Paris estime qu'en 2007, "l'interruption de la relation de travail peut être constatée", "le règlement d'une pige de 3 205 euros n'étant pas de nature à caractériser la fourniture d'un travail régulier".

Et elle conclut qu'en s'abstenant de procurer régulièrement des piges à son collaborateur à compter de cette date, la société de presse "en a fait un employé occasionnel, a modifié son contrat de travail et a commis un manquement à ses obligations contractuelles dont la gravité justifie la résiliation du contrat à ses torts exclusifs".
Ainsi, selon la Cour, si la baisse de 49 % du montant du montant des piges entre 2000 et 2001 était acceptable, celle de 79 % en 2006 ne l'était pas et ce parce que le salarié ne pouvait alors plus être considéré comme un pigiste régulier.

Cela revient à considérer qu'un pigiste payé 3 205 euros par an ne serait plus "régulier" alors que celui qui reçoit 11 855 euros le serait encore.

Selon la Cour d'appel, lorsque la rémunération annuelle devient trop faible le pigiste ne peut plus être considéré que comme occasionnel et ce changement de statut justifie que le contrat soit résilié aux torts de l'employeur, produisant ainsi les effets d'un licenciement abusif.

En apparence, cette solution conduit à faire abstraction de l'évolution des montants réels des piges versées au journaliste pour ne s'intéresser qu'à l'évolution de son statut : pigiste régulier ou occasionnel. En dessous d'un certain niveau de rémunération, le pigiste ne serait plus "régulier".

Mais la régularité d'une collaboration et la rémunération retirée de la relation de travail sont deux choses qui ne sont pas forcément liées.

Est un pigiste régulier celui à qui l'entreprise de presse "fournit régulièrement du travail pendant une longue période" et non pas celui qui perçoit une rémunération supérieure à tel niveau.

Un journaliste qui perçoit d'un employeur des piges d'un montant modeste mais de façon régulière est un pigiste "régulier" et, à ce titre, est employé sous contrat à durée indéterminée et ce indépendamment du montant réel des piges reçues.

L'examen de la seule évolution du montant des piges versées apparaît donc plus adapté lorsqu'il s'agit d'apprécier si la baisse a ou non été fautive.

Dans un second arrêt en date du 15 avril 2010, la Cour d'appel de Paris (Pôle 6 - Chambre 7) a jugé le cas d'une journaliste payée à la pige pendant plus de 20 ans par le même employeur, dont le montant des piges avait subitement baissé.

Cette formation de la Cour d'appel, se ralliant elle à la position exprimée par la Cour de cassation dans son arrêt du 16 septembre 2009 estime tout d'abord que "l'intéressée est fondée à prétendre au maintien global d'un même niveau de collaboration, en se voyant confier un même nombre de piges, et assurer par-là même un niveau de rémunération à tout le moins comparable, d'une année sur l'autre, et, partant, à soutenir que toute baisse significative, en termes de charge de travail comme de rémunération, s'analyse en un licenciement dès lors dénué de toute cause réelle et sérieuse".

Constatant une telle "baisse significative", puisque la rémunération annuelle de la journaliste était passée d'environ 25000 euros en 2006, 2007 et en 2008 à 6500 euros en 2009, la Cour analyse cette diminution de la collaboration comme un licenciement.

Celui-ci ne peut être considéré que comme dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ce qui entraîne la condamnation de l'employeur à payer à la journaliste, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts.

La Cour fait également droit à la demande de rappel de salaires formulée par la journaliste, calculée sur la différence entre les rémunérations perçues en 2008 et en 2009 et elle condamne donc l'employeur à lui payer les salaires qu'il aurait effectivement dû verser s'il n'avait pas baissé le volume des piges confiées à cette journaliste.

Il est intéressant de constater que, comme si elle se devait de justifier sa décision, la Cour d'appel a pris le soin de préciser que "au regard notamment de la constance et de la permanence de la collaboration" de la journaliste, celle-ci "pouvait prétendre au statut de journaliste professionnelle permanente - et non plus de simple pigiste - ".

C'est en effet "en cet état" de "journaliste permanent" que la Cour retient que la salariée avait droit au maintien d'un niveau de rémunération d'un niveau comparable, "en se voyant confier un même nombre de piges" (ce qui permet de penser que même devenue "journaliste professionnelle permanente", la salariée n'en demeurait pas moins, pour la Cour, certes plus une"simple pigiste" mais une pigiste tout de même).

Il reste que, contrairement à ce qu'a jugé la Cour d'appel de Paris le 12 mars 2010, cette même Cour (mais "autrement composée") ne prend ici pas en compte, pour sanctionner la diminution des piges, le changement de statut de la journaliste (régulier / occasionnel) mais la seule baisse, jugée fautive (car significative), de la rémunération d'un pigiste "permanent".

* *
*

Selon qu'il est pigiste "occasionnel" ou "régulier" voire "permanent", le pigiste pourra ou non prétendre, non pas à une rémunération "constante" mais au moins "comparable" et/ou au maintien de son statut.

Les nuances, en la matière, sont importantes et l'incertitude juridique reste grande tant pour l'employeur que pour le salarié ne serait-ce parce que personne ne sait vraiment à partir de quand un pigiste devient "régulier".

Conscients de cette difficulté, les partenaires sociaux ont, par accord du 7 novembre 2008, créé une "commission de suivi et d'interprétation" qui était amenée à se réunir, pour la première fois dans les 3 mois suivant la signature de cet accord, pour statuer "sur la question de la définition du pigiste régulier".

Les conclusions de cette commission ne semblent pas être connues. 

Vianney FERAUD
Avocat au barreau de Paris


commentaires

  • Merci...
  • Par Camille le 23/02/11
Pour ce billet clair et instructif !
Malheureusement, dans les faits, il est difficile d'espérer percevoir une indemnité même en passant de "pigiste permanent" à "pigiste très très occasionnel" sans tirer un trait définitif sur la collaboration en question...

Merci pour ce billet...

  • Par Boris le 23/02/11
...effectivement très intéressant, d'autant que je me retrouve dans une situation similaire. A la notable exception que je me dispose d'un double contrat, à savoir une part fixe et la possibilité de "piger" en plus. Mais quid lorsque l'employeur décide subitement de ne plus accepter ou fournir les piges, qui correspondaient à 60% du salaire final ? Je me permettrai, si vous le souhaitez de vous tenir au courant de ce cas étrange puisque une procédure prud'hommale est en cours...
Cordialement

RE: Merci pour ce billet...

Boris, votre cas est effectivement intéressant en ce qu'il montre les limites de la construction juridique.

Si vous êtes un pigiste régulier, votre employeur devrait vous licencier s'il entend mettre fin à vos piges, tout en vous maintenant à votre poste de "permanent". Comment, dans ce cas, calculer l'indemnité de licenciement ? Sur le salaire global ou uniquement sur les piges ? Comment arrêter l'ancienneté ? Merci de nous tenir informés du jugement qui sera rendu.


Bulletin de paie

  • Par Caroline le 04/05/11
Bonjour,

J'ai beaucoup de mal à comprendre le statut du pisgiste occasionnel. S'il ne dispose pas d'un contrat de travail, comment contractualiser la relation ? Et doit-on quand même lui établir une fiche de paie pour chaque pige ? Un solde de tout compte ?

Merci pour votre aide

RE: Bulletin de paie

Le pigiste occasionnel, s'il est journaliste professionnel, est présumé être salarié.

Sauf s'il n'est, dans les faits, pas salarié (ce que devra démontrer l'entreprise de presse en cas de contestation), il convient donc de respecter l'ensemble des règles applicables aux salariés et notamment d'établir des bulletins de paye et des attestations pôle-emploi.

En pratique, les piges effectuées au cours d'un même mois sont généralement regroupées sur un même bulletin de paye.

RE: Bulletin de paie

  • Par Caroline le 13/05/11
Bonjour,

Donc pour que le statut de salarié ne soit pas reconnu à un pigiste occasionnel (réllement occasionnel !), sous quelle forme doit-on le rémunérer ?
une facture ? ce mode de paiment est légal ?

Merci

RE: Bulletin de paie

Le mode de paiement du travail du pigiste occasionnel n'est qu'une conséquence de son statut (salarié ou non). C'est une question de fait. S'il est salarié (ce qu'il est présumé être s'il est journaliste professionnel) il faut évidemment le payer en salaire. S'il ne l'est pas, il semble adapté de le payer sous forme de droits d'auteur, dès lors que son travail consiste en la création d'une oeuvre de l'esprit (article de presse par exemple), exploitée par la société de presse.

La Cour de cassation confirme l'arrêt du 15 février 2012

L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 12 mars 2010 (cité dessus), avait fait l'objet d'un pourvoi en cassation à l'initiative du journaliste.

Celui-ci reprochait à la Cour d'appel de Paris d'avoir rejeté ses demandes de rappel de salaires pour la période de 2001 à 2006 (et d'avoir considéré que la baisse des piges n'était devenue fautive qu'à compter de 2007).

La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle estime en particulier que la Cour d'appel de Paris a, à bon droit, retenu que l'employeur avait régulièrement fourni du travail au journaliste payé à la pige durant cette période et qu'il n'était pas tenu de lui fournir un volume de travail constant.

La Cour de cassation laisse donc aux juges du fond le pouvoir d'apprécier si la baisse de la rémunération versée au pigiste régulier doit ou non être considérée comme un manquement de l'employeur à son obligation de fournir régulièrement du travail à ce salarié.

jeudi 3 février 2011

L'indemnité de licenciement des journalistes et assimilés

Sauf cas de faute grave, lorsqu'il est licencié, un journaliste professionnel ou assimilé peut prétendre à une indemnité dont le montant est déterminé par application de l'article L7112-3 du Code du travail qui dispose que "le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration des derniers appointements" (et ce dans la limite de 15 années d'ancienneté, l'indemnité étant, pour les journalistes ayant une ancienneté supérieure, fixée par la Commission arbitrale des journalistes (cf. cette publication sur ce point). 



La règle est donc simple : chaque année ou fraction d'année donne droit à un mois d'indemnité de licenciement. 



Un journaliste qui est licencié après 11 ans et 3 mois d'ancienneté a donc droit à une indemnité de licenciement équivalente à 12 mois de salaires. 



En revanche, il est plus complexe de déterminer le montant du salaire mensuel, servant de référence au calcul de cette indemnité de licenciement. 



D'abord, il convient de retenir que c'est le salaire brut qui doit être pris en compte, conformément aux dispositions de l'article L1234-9 du Code du travail. 



Ensuite, conformément aux dispositions du 3ème alinéa de l'article 44 de la convention collective des journalistes, ce salaire doit être majoré de 1/12ème pour tenir compte du 13ème mois (cf. cette publication sur ce point)



Reste enfin à déterminer quelle est la période de rémunération à prendre en compte pour déterminer ce salaire mensuel brut de référence. 



Pour les journalistes, l'article L7112-3 du Code du travail rappelé ci-dessus, fait simplement état "des derniers appointements", sans précision d'une quelconque période de référence. 



L'article 44 de la convention collective des journalistes précise quant à lui que "l'indemnité de licenciement sera calculée pour les journalistes professionnels employés à plein temps ou temps partiel sur le dernier salaire perçu".



Pris à la lettre, ces textes conduisent donc à retenir que le salaire de référence à prendre en compte, pour le calcul de l'indemnité de licenciement, est celui qui a été versé au cours du dernier mois (plein) ayant précédé le licenciement. 



Cette règle, spécifique aux journalistes et assimilés, est différente de celle fixée en droit commun à l'article R1234-4 du Code du travail. Ce texte prévoit en effet que "le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié : 1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ; 2° Soit le tiers des trois derniers mois"



Or, le fait de ne prendre en compte que le "dernier salaire" du journaliste pour calculer le montant de son indemnité de licenciement peut se révéler défavorable si la rémunération qui lui a  été versée durant son dernier mois de travail a été inférieure à celles  perçues au cours des mois précédents (et ce par exemple en raison de prime ou gratifications versées antérieurement). 



Dans un arrêt du 24 octobre 2001, la Cour de cassation a approuvé l'arrêt rendu par une Cour d'appel qui, "en l'absence de précision dans l'article L. 761-5 (devenu depuis l'article L7112-3 du Code du travail) de la période à prendre en considération pour le calcul de la rémunération moyenne, a exactement décidé que les modalités de calcul de l'indemnité de licenciement du journaliste, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, sont déterminées par les dispositions de l'article 5 de l'accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977 sur la mensualisation".



Le texte de cet article 5 de cet accord n'est autre que celui l'article R1234-4 du Code du travail cité ci-dessus, prévoyant que la somme à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est la moyenne de la rémunération soit des 3 soit des 12 derniers mois. 



Ce texte précise toutefois, pour atténuer l'effet que pourrait avoir le paiement récent d'une prime, que si c'est la moyenne des rémunérations des 3 derniers mois qui est retenue, "toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié  pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion".



Cela étant, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que le journaliste devrait pouvoir prétendre à une indemnité de licenciement calculée soit sur la base de son dernier salaire mensuel  (conformément à ce que prévoit la convention collective), soit sur la moyenne des trois derniers salaires mensuels, soit encore sur la moyenne des 12 derniers salaires mensuels (conformément à ce que dispose l'article R1234-4 du Code du travail, l'article L7112-3 du même Code ne prévoyant pas une période de référence spécifique, dérogatoire à celle du droit commun)

Les journalistes payés à la pige 

Pour les journalistes et assimilés payés à la pige, l'article 44 de la convention collective prévoit que l'indemnité de licenciement est calculée "sur la base de 1/12 des salaires perçus au cours des 12 mois précédant le licenciement ou de 1/24 des salaires perçus au cours des 24 derniers mois précédant le licenciement" (également majoré de 1/12ème pour tenir compte du 13ème mois). 



Ce texte précise que c'est "au choix du salarié" que le calcul sera effectué sur la base des 12 ou des 24 derniers. 


L'intérêt de faire ce "choix" entre la moyenne des piges versées au cours des 12 ou 24 derniers mois est évidemment grand pour les journalistes pigistes dont la rémunération est variable.



On était en droit de penser que les pigistes pouvaient également se prévaloir des dispositions de l'article R1234-4 du Code du travail cité ci-dessus et donc prétendre à ce que leurs indemnités de licenciement soient également calculées à partir de la moyenne des piges versées au cours des trois derniers mois, si cette moyenne leur était plus favorable que celle résultant des autres périodes fixées par la convention collective des journalistes.



Par un arrêt du 21 septembre 2017,  la Cour de cassation a toutefois cassé l'arrêt d'une Cour d'appel qui avait calculé l'indemnité de licenciement d'un journaliste payé à la pige sur la base de la moyenne de ses 3 derniers mois de salaire. Relevant d'office le moyen, elle retient que "le salaire de référence pour déterminer le montant des indemnités de préavis et de congés payés ainsi que la somme due conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail [indemnité pour licenciement abusif] doit être fixée par application de l'article 44 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976" et "qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés". 


Il reste que le seul fait que la convention collective des journalistes prévoit le mode de fixation de l'indemnité de licenciement des journalistes pigistes permet de comprendre que la thèse développée par certains, selon laquelle ces mêmes journalistes ne pourraient prétendre être employés sous contrat à durée indéterminée, est fantaisiste.


Les journalistes employés par des agences de presse 

Par un arrêt du 13 avril 2016, la Cour de cassation a jugé, de façon peu compréhensible, que les journalistes employés par une agence de presse ne pouvaient pas prétendre à l'indemnité légale des journalistes prévue aux articles L7112-3 et L7112-4 du Code du travail (cf. cette page sur ce sujet).


Vianney FÉRAUD 
Avocat au barreau de Paris





Vianney FERAUD
Avocat au barreau de Paris



commentaire


Indemnisation en cas de différentes périodes en temps partiel

  • Par Jean-Claude le 21/03/11
Votre article est limpide, sauf... en ce qui concerne les périodes prises en considération pour un salarié qui aurait travailé par exemple tois années à mi-temps puis trois années à trois cinquièmes de temps. Le salaire de référence pour le calcul de l'indemnité serait-il celui perçu lors du dernier salaire mensuel multiplié par six (ans d'ancienneté) ? Ce calcul paraît peu logique et me laisse perplexe alors qu'il correspond à l'article 44 de la convention "pris à la lettre".


RE: Indemnisation en cas de différentes périodes en temps partiel

  • Par vianney.feraud le 21/03/11
Je n'ai effectivement pas envisagé la situation d'une variation du temps de travail du journaliste (temps plein / temps partiel ou encore différents temps partiels) au cours de l'exécution du même contrat de travail.

L'article L3123-13 du Code du travail dispose que "l'indemnité de licenciement et l'indemnité de départ à la retraite du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise sont calculées proportionnellement aux périodes d'emploi accomplies selon l'une et l'autre de ces deux modalités depuis leur entrée dans l'entreprise".

On peut toutefois se demander si ce texte est effectivement applicable aux journalistes et assimilés dès lors que le code du travail prévoit des règles dérogatoires pour déterminer le montant de leurs indemnités de licenciement.

RE: Indemnisation en cas de différentes périodes en temps partiel

  • Par Jean-Marc le 22/03/11
Et quand bien même: La Collective Collective ne déroge-t-elle aux dispositions du Code du Travail, dans la mesure où celles-ci ne sont pas d'ordre public? Si oui, l'article 44 devrait peut-être primer.

Autre question: quand la Cour de Cassation fait référence aux "dispositions conventionnelles plus favorables", n'est-ce pas là une allusion à la Convention Collective? Peut-on vraiment avoir deux salaires de référence?

pigiste licencié

  • Par Pigiste le 29/09/11
Pigiste pendant plusieurs années pour un quotidien national, j'ai récemment été licencié. A priori, l'indémnité qui m'a été versée a été calculée sur la moyenne des 3 dernières piges . Cette moyenne est inférieure à celle des 24 derniers mois de piges. Que puis-je faire ?



RE: pigiste licencié

  • Par vianney.feraud le 30/09/11
Le plus simple est évidemment, dans un premier temps, de demander une rectification à votre ancien employeur. A défaut d'accord, vous n'auriez d'autre solution que de saisir un conseil de prud'hommes (ou la commission arbitrale des journalistes si vous avez plus de 15 ans d'ancienneté).


Indemnisation fin de piges

  • Par Catherine le 25/10/11
Bonjour,

Dans votre texte, vous dites "Un journaliste qui est licencié après 11 ans et 3 mois d'ancienneté a donc droit à une indemnité de licenciement équivalente à 12 mois de salaires."

J'ai commencé à piger de manière régulière pour mon employeur en octobre 2008 (j'ai eu une dizaine de piges entre janvier et juin 2008) et la dernière pige date de la mi-octobre 2011. Dans ce cas, l'année 2008 compte-t-elle pour une année entière ? Doit on compter en année civile ou considérer que octobre 2008 - octobre 2011, ça fait 3 ans.

Le fait d'avoir alterné pige et CDD change-t-il quelque chose au mode de calcul ?





RE: Indemnisation fin de piges

  • Par vianney.feraud le 25/10/11
Bonjour,

Une année d'ancienneté correspond à 12 mois qui ne coïncident pas (forcément) avec l'année civile.

Dans votre cas, d'octobre 2008 à octobre 2011, cela fait donc trois ans d'ancienneté et 2008 n'est pas pris en compte pour une année entière.

Cordialement,


RE: Indemnisation fin de piges

  • Par Catherine le 25/10/11
Merci de votre réponse.


Indemnité de licenciement - Article 44 de la CCN des journalistes

  • Par alixir le 04/11/11
J'ai le sentiment qu'il y a une mauvaise interprétation de la CCN des journalistes sur l'article 44 - licenciement.

"L'indemnité de licenciement sera calculée pour les journalistes professionnels employés à plein temps ou à temps partiel sur le dernier salaire perçu ou, pour les journalistes salariés ne percevant pas un salaire mensuel régulier, sur la base du 1/12 des salaires perçus au cours des douze mois"

Cela ne signifie pas qu'il année de présence donne droit à 1 mois d'indemnité de licenciement. il s'agit de la période de référence (12 mois ou 24 mois).

Il manque à cet article (qui doit avoir un additif quelque part) le coefficient à appliquer à ce salaire. C'est à dire quelque chose du type pour plus de dix ans d'ancienneté, cinq douzièmes de la rémunération annuelle ou pour plus de quinze ans d'ancienneté, sept douzièmes de la rémunération annuelle etc

Dans ce cas de figure un salarié qui a 11 ans 3 mois d'ancienneté ne peut obtenir une indemnité de 12 mois de salaire.


RE: Indemnité de licenciement - Article 44 de la CCN des journalistes

  • Par alixir le 04/11/11
petite erreur de frappe qui rend incompréhensible ce que j'ai tenté d'écrire :

Cela ne signifie pas qu'une année de présence donne droit à 1 mois d'indemnité de licenciement


RE: Indemnité de licenciement - Article 44 de la CCN des journalistes

  • Par vianney.feraud le 05/11/11
L'article 44 de la convention collective des journalistes fixe uniquement, comme vous le relevez, l'assiette servant au calcul de l'indemnité de licenciement des journalistes. "L'additif" auquel vous faîtes allusion est en fait l'article L7112-3 du Code du travail cité ci-dessus ; il précise le taux à appliquer, soit un mois par année ou fraction d'année d'ancienneté.


journaliste pigiste

  • Par marylene le 16/06/13
le journaliste pigiste régulier peut-il prétendre à une prime d'ancienneté ?


RE: journaliste pigiste

  • Par vianney.feraud le 17/06/13
Oui.



moins d'un an d'ancienneté

  • Par BM le 27/06/13
Bonjour,

Mais quelles sont exactement les conditions d'indemnisation dans le cas où le journaliste n'a pas un an d'ancienneté ? J'ai l'impression que les textes ne sont pas clairs : l'article L1234-9 du Code du Travail qui fonde aussi la base du calcul sur le salaire brut, ne semble devoir s'appliquer qu'aux journalistes disposant de plus d'un an d'ancienneté tandis que l'article 44 de la convention ne donne pas expressément le montant de l'indemnité même s'il précise qu'elle sera calculée sur la moyenne des salaires perçus... Le journaliste qui a moins d'un an ancienneté a t-il droit ou non à une indemnité ?


RE: moins d'un an d'ancienneté

  • Par vianney.feraud le 28/06/13
Oui le journaliste licencié avant un an d'ancienneté a droit à une indemnité de licenciement d'un mois (calculée sur la moyenne de sa rémunération).





Calcul clause

  • Par eric le 30/10/13
bonjour,

Je viens de prendre ma clause de cession et souhaitais donc connaitre le calcul exact de l'indemnité.
Est-ce : nb d'années travaillées = nb de mois de salaire

nb de mois de salaire x salaire brut mensuel= indemnité

Où faut-il ajouter d'autres choses ?
Merci

Cordialement


RE: Calcul clause

  • Par vianney.feraud le 04/11/13
Je pense que vous trouverez la réponse à vos questions ci-dessus.

Il faut tenir compte du 13ème mois et des fractions d'année.

Il faut aussi mettre à part l'hypothèse où le journaliste a plus de 15 années d'ancienneté.






RE: Calcul clause

  • Par eric le 04/11/13
Merci pour votre réponse, mais qu'entendez-vous par fractions d'année ?
Je ne suis pas concerné par plus de 15 ans (9 ans).
Merci


RE: Calcul clause

  • Par vianney.feraud le 04/11/13
La réponse est ci-dessus. Une fraction d'année c'est une année incomplète.


Certificat de travail

  • Par destombes le 06/11/13
Bonjour
Que se passe-t-il quand pigiste depuis dix ans, licencié économique, on reçoit des indemnités qui prennent en compte l'ancienneté mais un certificat de travail d'un mois, comme s'il s'agissait d'une pige mensuelle ?


RE: Certificat de travail

  • Par vianney.feraud le 07/11/13
Il ne se passe rien (le certificat de travail n'est pas le document le plus important au moment de la rupture du contrat).

Il vous faut toutefois vérifier que l'attestation POLE EMPLOI est, elle, conforme à la réalité.



Merci !

  • Par Journaliste à Paris le 19/01/14
Article très intéressant qui répond à beaucoup de questions.


Temps partiel et piges cumulées

  • Par J. le 19/02/14
Bonjour,

Je suis dans une situation particulière car employée en CDI à temps partiel en tant que chef de service par un magazine donc avec un salaire de référence.
A été conclu (oralement) que tous les papiers écrits me seraient payés en piges.
Mon salaire mensuel est donc régulièrement complété par des piges.
Je suis également passé à temps plein pendant un mois et demi (donc salaire de référence presque doublé) de novembre à mi décembre dernier.
Je voulais donc savoir, en cas de rupture conventionnelle, si mes piges pour le meme magazine pouvaient etre prise en compte dans le calcul de mes indemnités et de mes allocations chomage.
J'ai 7 ans d'ancienneté.
Merci pour votre article et pour votre aide.
Bien à vous


RE: Temps partiel et piges cumulées

  • Par J. le 19/02/14
Petite précision : Tous les papiers écrits en plus c'est-à-dire hors de mon temps de travail (3 jours par semaine), ce qui est arrivé très régulièrement.


RE: Temps partiel et piges cumulées

  • Par vianney.feraud le 23/02/14
Bonjour,

Cet espace est normalement réservé aux commentaires et non pas aux consultations personnalisées.

Cela étant, comme vous le savez sans doute, en cas de rupture conventionnelle, l'indemnité spécifique doit respecter un plancher et non pas un plafond. Rien n'interdit en conséquence de prendre en considération le montant des piges.

En ce qui concerne les indemnités de POLE EMPLOI, elles sont calculées en fonction des rémunérations versées au cours des 12 derniers mois.

Les piges devraient donc être prises en compte.


RE: Temps partiel et piges cumulées

  • Par Laetitia Moller le 07/03/14
Bonjour,

Merci de votre réponse, de votre diponibilité et désolée d'avoir exposée une situation particulière. J'en profite pour poser une question qui peut etre utile à d'autres personnes. Si je comprends bien vos écrits, l'indemnité en cas de rupture conventionnelle dépend de qui est à l'iniitative de la demande : 1/5 du salaire par année d'ancienneté si c'est le salarié qui la demande. Un mois par année dancienneté si c'est à l'initiative de l'employeur. Je n'avais pas bien compris, y compris en appelant le SNJ. Merci pour votre aide.


RE: Temps partiel et piges cumulées

  • Par vianney.feraud le 07/03/14
Non, en droit, le plancher de l'indemnité de licenciement ne devrait pas être déterminé en fonction de celui, employeur ou salarié, qui est à l'initiative de la demande de rupture conventionnelle.

Toutefois, en pratique, on peut penser que l'employeur sera moins enclin à accepter de verser l'indemnité légale de licenciement des journalistes (un mois par année d'ancienneté) lorsque c'est son salarié qui souhaite rompre le contrat de travail.

La jurisprudence, divisée sur ce sujet, permet en l'état les deux interprétations des textes de loi 


RE: Temps partiel et piges cumulées

  • Par Laetitia Moller le 13/03/14
Merci pour votre réponse.
Bien à vous

Calcul indemnité suite à clause de cession - définition "salaire brut"
  • Par elma le 20/02/14
Bonjour,

Journaliste pigiste depuis huit ans pour un titre de presse, j'ai posé, fin janvier, ma clause de cession.
Mon employeur est en train de calculer le montant de l'indemnité à laquelle j'ai droit, et j'ai fait de mon côté un rapide calcul... Or, si nous nous sommes mis d'accord concernant la période de rémunération à prendre en compte pour déterminer ce salaire mensuel brut de référence (12 mois), nous avons un différent d'interprétation concernant la nature du « salaire brut » servant de référence au montant de l'indemnité de fin de contrat :
De mon côté, le salaire brut s'entend, comme défini par l'Insee, « comme correspondant à l'intégralité des sommes perçues avant toute déduction de cotisations obligatoires » - résultat, pour chaque mois, mon salaire brut de référence correspondrait à la totalité des appointements que j'ai perçus : montant de la pige + prime d'ancienneté + indemnité compensatrice de congés payés... Bref, le « salaire brut » tel qu'il apparaît sur ma fiche de paie
Mon employeur lui, estime, que l'indemnité compensatrice de congés payés qu'il me verse chaque mois (1/10 du montant de la pige) est à exclure de mon salaire brut de référence mensuel

Pourriez-vous me dire ce qu'il en est légalement ?!
Sachant que, lorsque je lis que l'article L7112-3 du Code du travail dispose que "le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration des derniers appointements"... et que l'article R1234-4 du Code du travail prévoit que "le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié : 1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ; 2° Soit le tiers des trois derniers mois"... j'ai le sentiment que les termes « appointements » et « rémunération » me donneraient raison !

Merci d'avance...



RE: Calcul indemnité suite à clause de cession - définition "salaire brut"

  • Par vianney.feraud le 24/02/14
Cet espace est normalement réservé aux commentaires et non pas aux consultations personnalisées.

Cela étant, l'indemnité de licenciement est calculée en tenant effectivement compte des congés payés versés au cours de la période de référence (rémunérant ou, pour les pigistes censés rémunénrer, les périodes de congés pris).

En revanche, en l'état de la jurisprudence, l'indemnité compensatrice de congés payés (non pris pendant la période de référence donc) n'a pas à être prise en compte dans ce calcul.



Indemnités de rupture conventionelles 1/5e de mois de salaire

  • Par Marie Pottin le 19/03/14
Bonjour,

Après avoir lu attentivement votre article sur la question, je voudrais savoir quels arguments opposer à un employeur qui vous propose des indemnités de 1/5e de mois de salaire par année d'ancienneté quand vous etes à l'origine de la demande de rupture. En vous faisant comprendre qu'il est libre de refuser cette rupture si vous n'acceptez pas.
Merci d'avance.


RE: Indemnités de rupture conventionelles 1/5e de mois de salaire

  • Par vianney.feraud le 20/03/14
Je ne peux pas répondre de façon précise à cette question dans cette espace, réservé aux commentaires.

La rupture conventionnelle suppose effectivement l'accord conjoint du salarié et de l'employeur sur le montant de l'indemnité spécifique de rupture.