mercredi 14 mars 2012

Le Conseil constitutionnel va se prononcer sur la constitutionnalité de la procédure devant la Commission arbitrale


Jusqu'à présent les juridictions avaient considéré que la procédure devant la Commission arbitrale des journalistes semblait conforme à la Constitution et qu'il n'y avait pas lieu de transmettre les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) dont elles ont été saisies (cf. cette publication sur ce point).

La Commission arbitrale des journalistes a en revanche, elle-même, transmis le 13 décembre 2011 à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité suivante, dont elle avait été saisie par la société Marie-Claire Album :

"Les dispositions de l'article L. 7112-4 du code du travail qui rendent la saisine de la commission arbitrale des journalistes obligatoire pour les journalistes ayant plus de quinze années d'ancienneté et qui ne prévoient pas de recours à l'encontre de la décision rendue, sont-elles conformes :


  • à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 qui prévoit le droit à un recours juridictionnel effectif,



  • à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 qui prévoit le principe d'égalité devant la loi et devant la justice ?"


  • La Cour de cassation, par un arrêt en date du 9 mars 2012, a estimé que cette question n'avait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution et qu'elle "présente un caractère sérieux en ce que la Commission arbitrale des journalistes est, par dérogation à la compétence des conseils de prud'hommes, exclusivement compétente pour fixer, par une décision obligatoire et non susceptible de réformation par la voie de l'appel, le montant de l'indemnité de rupture due par l'entreprise de presse à un journaliste dont l'ancienneté excède quinze années ainsi que pour, quelle que soit l'ancienneté de celui-ci, décider éventuellement la réduction ou la suppression de cette indemnité en cas de faute grave ou de fautes répétées".

    Le même jour, par 3 autres arrêts, la Cour de cassation, saisie à l'occasion de pourvois formés par la société Yonne Républicaine contre 3 arrêts de la Cour d'appel de Paris des deux questions prioritaires de constitutionnalité suivantes :


    • L'article L. 7112-3 du code du travail, qui organise un régime d'indemnisation de la rupture du contrat de travail propre aux seuls journalistes professionnels, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, particulièrement au principe d'égalité devant la loi tel qu'il est garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ?



    • L'article L. 7112-4 du code du travail, imposant la saisine obligatoire de la Commission arbitrale des journalistes, en vue de la fixation de l'indemnité de congédiement des seuls journalistes professionnels justifiant de quinze ans d'ancienneté ou licenciés pour faute grave et/ou répétée, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, particulièrement au principe d'égalité devant la justice, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et au droit au recours effectif devant une juridiction, garanti par l'article 16 de la Déclaration ?


    a également estimé que ces questions étaient sérieuses et qu'elle n'avaient pas déjà été déclarées conformes à la Constitution.

    Ces 3 questions prioritaires de constitutionnalité sont donc transmises par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel qui devra y répondre dans un délai de 3 mois.
    Au delà de la décision attendue sur le droit ou non d'interjeter appel de la décision rendue par la Commission arbitrale, c'est l'existence même de cette Commission qui serait remise en cause si la Cour de cassation devait estimer qu'il n'est pas constitutionnel d'obliger les parties, lorsque le journaliste a plus de 15 ans d'ancienneté ou que la rupture du contrat est prononcée pour faute grave, de saisir cette Commission arbitrale pour faire fixer le montant de l'indemnité de licenciement (voir cette autre publication sur ce sujet).

    Si l'article L.7112-3 du Code du travail (qui dispose que "si l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze") devait lui-même, au nom du principe d'égalité devant la loi, être déclaré anticonstitutionnel en ce qu'il "organise un régime d'indemnisation de la rupture du contrat de travail propre aux seuls journalistes professionnels", ce seraient tous les textes du Code du travail propres à certaines professions qui devraient être abrogés.

    Sauf surprise, cet article L.7112-3 du Code du travail ne devrait donc pas être déclaré anticonstitutionnel, le Conseil constitutionnel jugeant traditionnelement que si "aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi. . . doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit".

    Vianney FERAUD
    Avocat au barreau de Paris

     commentaire

    Audience du Conseil constitutionnel

    Le Conseil constitutionnel a examiné ces QPC lors de son audience du 26 avrll 2012.

    Le représentant du gouvernement a conclu à la constitutionnalité des dispositions contestées et ce compte tenu notamment des spécificités de la profession de journaliste.

    Le Conseil constitutionnel rendra sa décision le 14 mai prochain.