mercredi 18 juin 2014

Le journaliste stagiaire a droit au 13ème mois

L'article 25 de la convention collective des journalistes prévoit qu' "à la fin du mois de décembre, tout journaliste professionnel percevra à titre de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier, une somme égale au salaire du mois de décembre".
Un employeur, société de presse, refusait de payer cette prime de 13ème mois à l'un de ses salariés au motif que celui-ci avait moins de 2 ans d'ancienneté et était un journaliste stagiaire.
On peut rappeler que selon l'article 13 de cette convention collective, "la titularisation comme journaliste professionnel est acquise à l'expiration d'un stage effectif de 2 ans".  
Pendant ces deux années, le journaliste peut d'ailleurs, conformément aux dispositions de l'article R7111-5 du code du travail, se faire délivrer une carte de journaliste stagiaire  par la commission de la carte d'identité des journalistes professionnels.
Le conseil de prud'hommes de Paris, saisi par le salarié, a validé la position de l'employeur.
Dans un jugement du 7 décembre 2011, cette juridiction a relevé que le salarié ne possédait pas de diplôme de journaliste et avait moins de deux années d'ancienneté . N'étant pas (encore) journaliste professionnel, il ne pouvait de ce fait prétendre au bénéfice du 13ème mois.
Cette analyse est censurée par la Cour de cassation qui, dans un arrêt du  12 juin 2014, retient qu'il ne "résulte d'aucune disposition de la convention collective que le treizième mois prévu par son article 25 est réservé aux journalistes professionnels titulaires".
Le journaliste ayant moins de 2 ans dans la profession doit donc percevoir un 13ème mois.

Cette décision est fort logique en droit.
Dès lors que le journaliste stagiaire est un salarié (et non pas un stagiaire au sens du droit commun) relevant de la convention collective des journalistes  et que cette convention ne prévoit aucune condition d'ancienneté dans la profession pour pouvoir prétendre au 13ème mois, rien ne permet de priver ce stagiaire du bénéfice de cette prime.


Quant au fait que le salarié n'était pas titulaire d'un diplôme de journaliste, avancé par le conseil de prud'hommes pour motiver sa décision, même si la Cour de cassation ne le relève pas, il est sans effet lorsqu'il s'agit de rechercher si une personne peut ou non prétendre au statut de journaliste professionnel. 
Bref, le journaliste stagiaire, s'il n'est pas "titulaire" n'en est pas moins un journaliste professionnel pouvant à ce titre prétendre aux avantages liés à ce statut.


  

mardi 3 juin 2014

Requalification en temps plein d'un contrat de travail à temps partiel d'un journaliste

L'article L3123-14 du Code du travail dispose que  :

"Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
(…)
la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois"
L'omission de cette mention constitue une infraction, punie d'une amende de 5ème classe et ce conformément aux dispositions de l'article R3124-5 du Code du travail.

L'absence de cette mention conduit en outre à présumer que le contrat de travail est à temps complet, la Cour de cassation ayant en effet jugé que "l'absence d'écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l'emploi est à temps complet" (Cass. soc. 30 juin 2010).

Pour combattre cette présomption de temps complet, l'employeur doit démonter d'une part la durée de travail hebdomadaire ou mensuelle convenue et d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de son employeur.

Lorsque cette présomption de temps plein n'est pas renversée par l'employeur, le salarié est fondé à solliciter un rappel de salaires sur la base d'un temps plein et ce même s'il n'a, en pratique, pas travaillé à temps plein.

Une  Société de presse avait embauché un secrétaire de rédaction (journaliste) suivant contrat de travail à temps partiel d'une durée de 84, 50 heures mensuelles.

Aucune précision quant à la "répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois" n'était mentionnée au contrat et, au contraire, celui-ci prévoyait que ces 84, 50 heures mensuelles seraient effectuées "selon les nécessités de l'entreprise".

Le salarié saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de reconnaissance d'un contrat de travail à temps plein.

Cette juridiction, par un jugement (définitif) du 7 avril 2014, constate que l'employeur n'apporte pas la preuve que le journaliste n'était pas tenu de rester à sa disposition pendant les heures non effectivement travaillées (preuve qu'il était ici forcément difficile à rapporter compte tenu de la rédaction bien maladroite du contrat de travail) et il requalifie le contrat à temps partiel de travail en un contrat à temps plein.

L'employeur est donc condamné à payer au journaliste un rappel de salaires sur la base d'un temps plein et des congés payés y afférents et ce dans les limites de la prescription soit, en l'espèce, au titre des 5 années qui ont précédé la saisine du conseil de prud'hommes.


Ce journaliste ayant en outre été licencié pour motif économique, le conseil de prud'hommes condamne l'employeur à payer un complément d'indemnité de licenciement et de préavis, calculé sur la base d'un temps plein.

Les conséquences financières pour l'employeur qui aura mal rédigé un contrat à temps partiel peuvent donc s'avérer extrêmement lourdes.